Résumé :
|
Sommes-nous tous inhumains ? Oui. Pouvons-nous devenir tous philosophes ? Peut-être. Savoir que ça va mal. Ne pas détourner le regard des horreurs de la guerre. Scruter, sans ciller, lâchetés, tortures, famines, toutes formes de barbarie. Cesser d'espérer que ces blocs d'ignominie s'effacent d'un coup, par miracle, définitivement, par la grâce de Dieu, du Bien, ou de la Révolution. Voir dans l'humain le lieu de l'inhumain _ chacun de nous étant éventuellement capable du pire. En être ébranlé, démuni, défait de toutes les illusions, débarrassé des confiances, certitudes, idéaux, assurances. Ne pas sombrer pour autant dans l'abattement désabusé, ni la crapulerie froide. Devenir solidaire des refus de l'intolérable, persister à combattre indéfiniment le pire, convaincu qu'aucun dernier massacre ne débouche sur un paradis final. Voir le mal partout, en soi-même aussi. Tenter de l'endiguer, heure par heure, comme on peut, avec les moyens du bord, sans rêver que cela cesse. Agir avec cette idée : vouloir faire régner le Bien mène au pire, s'efforcer d'amoindrir le mal est la seule issue. Telles sont, en gros, les maximes réglant la démarche d'André Glucksmann. Maximes d'un moraliste, disant la noirceur humaine, l'éclairant sans relâche, afin qu'à partir de quelques solitaires pris de vertige s'improvise peut-être une résistance générale à l'inhumain. Le moralisateur, lui, a d'autres propos : il est seulement préoccupé de mesurer l'écart entre les malheurs du jour et l'idéal à venir.
|